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Loin de l’école, près du coeur

Chapitre 3

Je suis encore un peu intimidée et n’ose pas passer dans les rangs, sauf pour distribuer des copies.

Parfois, je m’y efforce tout de même et me crée une épreuve : Voici un cours de grammaire et le moment où je dicte une théorie : ” La subordonnée relative commence par…. ”

Les élèves sont penchés sur leurs feuilles ; j’en profite donc pour arpenter la classe, mais regagne vite mon bureau.

Les élèves sont obéissants, travaillent, écoutent. On entendrait les mouches voler…C’est parfait,

Jusqu’au jour où, alors que je viens de donner à faire un exercice et suis moi-même absorbée par la suite à donner à mon cours, je vois un élève se lever tranquillement, passer devant mon bureau, puis aller donner une gifle magistrale à un autre. Personne ne bronche. L’agressé ne réplique pas. Je balbutie : ” Mais, que faites-vous ? ”

-Madame, je l’ai frappé car il a insulté ma mère.

-Je comprends, mais vous auriez pu régler votre différent à la sortie. Là, vous avez perturbé la classe, je ne peux pas l’accepter. Donc, je vais vous punir pour cela.

-Oui madame, je comprends.

Explication mutuelle. Point final.

Il ne faut pas imposer sans expliquer, sans avoir l’adhésion de l’élève. Même s’il s’agit d’une punition, celle-ci doit être comprise et admise comme le règlement d’une faute qui permet ensuite de se libérer et d’aller de l’avant.

Sinon, dans cette classe, tout se passait bien, dans un silence respectueux.

Pourtant, j’aurais pu craindre des débordements. Mon directeur m’avait mise en garde contre un grand Congolais de dix-huit ans qui se trouvait en troisième, et avait agressé son prof de Français – un homme – l’année précédente. Au début, donc je n’en menais pas large. Eh bien pour moi, ce fut un élève modèle, sage et travailleur, réussissant bien. Quel problème, et de quel ordre y avait-il eu entre eux pour qu’il ait réagit ainsi ? Je l’ignore.

La rigueur est nécessaire. L’autorité, ce n’est pas imposer tout et n’importe quoi sans conteste. Elle passe d’abord par le respect de l’autre, l’appréciation de chacun et parfois l’empathie. Elle doit toutefois

exister pour transmettre des savoirs et faire passer les règles.

Les paroles prononcées, les appréciations écrites, les punitions, – à condition qu’elles soient rares et bien pensées – sont d’une grande responsabilité. Mais il n’y a pas d’instruction sans éducation de la personne pour le savoir-vivre ensemble.

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Chapitre 5

A Bordeaux, mes relations avec les parents d’élèves étaient sporadiques. Cependant, certaines me marquèrent plus que d’autres.

A mon avantage, je me rappelle ce rendez-vous accordé à un père, au bout d’un trimestre. Je me demandais bien ce qu’il me voulait car je n’en voyais aucun motif.

Ce monsieur se présenta, bien habillé, chapeauté, et me demanda ce que je pensais de son fils. Il m’écouta sans m’interrompre. J’étais un peu impressionnée car je savais qu’il était prof de fac…. alors que moi, simple prof de collège…. Il prenait des notes sur son calepin. Puis il arbora un large sourire et, me regardant bien en face, me dit ; « Je tenais à faire votre connaissance car je voulais vous dire que je n’ai jamais vu de copies si bien corrigées . » Puis il me serra la main et partit.

C’est la même phrase que j’entendis, en fin de carrière, de la part d’une inspectrice. C’était donc vrai, et si rare que cela ?

En effet, je ne me contentais pas de rectifier ce qui était faux et de faire des observations en marge. En en-tête du devoir, j’écrivais toujours trois remarques, m’efforçant d’en trouver toujours au moins une positive, même si parfois c’était difficile, afin que l’élève ne perde pas pied.

Quand je remettais les copies, je les voyais toujours se jeter sur ces appréciations, et souvent être soulagé par une petite phrase encourageante.

Quant aux notes, c’est très fluctuant dans les matières littéraires.

Bien plus tard, alors que les élèves étaient d’un niveau de plus en plus fragile, je n’arrivais pas, malgré les promesses que je me faisais à chaque rentrée, à mettre moins de cinq.

Je me souviens de celui qui, malgré ses efforts, au bout de quelques mois, n’obtenait pas plus de 8/20. Alors, je trichai un peu avec moi-même, lui accordant 8,5/20 même s’il ne le méritait pas. C’est alors qu’il exulta : « J’ai fait des progrès ! » Et ce demi-point supplémentaire agit comme par magie : l’élève finit par enfin réellement progresser et atteindre la moyenne.

Il ne faut pas avoir peur de ce genre de petites recettes pour arriver à ses fins.

La question des notes est très aléatoire. L’expérience suivante me fit réfléchir.

Ma fille était en quatrième. Un jour, elle me montra une de ses rédactions et, après avoir caché l’appréciation et la note, me demanda ce que j’en pensais. C’était un très bon devoir. A mon avis, et selon mon échelle de valeurs, je lui attribuai 14/20. Sans m’en avertir, elle en envoya la photocopie à mon père, ancien prof de lettres, avec la même demande. Résultat : Même appréciation, mais avec 12/20. C’est alors qu’elle dévoila le haut de la page : Des félicitations et 18/20. Donc, pour un même devoir, avec un avis semblable, nous avions mis 12-14-18, selon les générations. Que faut-il en penser ?


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